Trois mois d’autobus et déjà des milliers de kilomètres au compteur. Les journées se suivent et sont loin de se ressembler. Comme je n’ai toujours pas de circuit régulier, je suis au front pour faire des remplacements ou pour faire des transferts de véhicules entre les différents garages.
La plupart du temps, on m’informe quelques jours ou la veille d’un remplacement. Ça me permet de me familiariser avec les parcours (les gauches\droites) en me servant de Google Maps. Je me fabrique un itinéraire avec les arrêts où se trouvent les élèves, ça fait la job mettons.
Mais ça arrive qu’un chauffeur-re manque à l’appel ou qu’un autobus tombe en panne. Ça prend une bonne dose de sang froid pour partir avec ce gros truc jaune là sur un circuit plus ou moins connu. Et lorsque ces cas de figure surviennent, on est déjà en retard. Bernard (le boss des bus du nord ) avise la commission scolaire des délais et pour le reste on reste calme et tente de faire pour le mieux.
Heureusement y’a les enfants. Le GPS et les feuilles gauches/droites sont incontournables, mais deviennent presque inutiles dès que le premier élève monte à bord. Après présentations et explications de la situation, l’enfant va se faire une fierté de te montrer le bon chemin. Même les tout-petits savent par où passer pour aller chercher Samuel, Victor, Julianne, Ahmed ou Noémie. Tous veulent t’aider. Parfois ils vont confondre la gauche et la droite, mais moi-même avec mes nombreuses années de route, il m’arrive encore de me tromper, faque tsé?
Curieusement, les élèves du secondaire sont pas mal moins volontaires pour prêter assistance. Un après-midi dans le stationnement de la polyvalente de Sainte-Adèle, je m’apprête à parcourir un circuit qu’on m’a donné quelques minutes avant de partir. J’ai 35 élèves derrière moi qui jasent entre eux ou qui sont penchés sur leurs téléphones. Lorsque je les informe que je vais avoir besoin de leur collaboration pour les arrêts, un grand silence s’installe et tous me regardent comme si j’étais un extra-terrestre. Pas un ne lève la main pour me donner un coup de pouce. Ils veulent tous passer sous le radar et j’en vois même s’enfoncer dans leurs banquettes. Finalement deux jeunes ados m’ont épaulé pour mener le parcours à bien, mais c’était loin d’être évident. Fou de constater comment la dynamique entre le primaire et le secondaire peut être éloignée à ce point l’une de l’autre.
Fort de cette expérience, je l’ai joué un peu à l’envers la fois suivante. Au lieu de demander de l’aide, j’ai carrément dit que je ne connaissais pas le circuit et que si je n’étais pas avisé des arrêts, j’allais passer tout droit. Cette technique “badass” s’est avérée assez utile. J’ai senti mes passagers un peu plus collaboratifs. J’imagine que l’idée pour eux de marcher ou d’arriver en retard à la maison pour aller vider le frigo était devenue préoccupante. Note à moi-même, s’adapter à sa clientèle.
Ces situations de dernière minute et l’apprentissage de nouveaux circuits semaine après semaine sont loin d’être faciles. Plusieurs chauffeurs-res que je côtoie (au garage ou dans les cours d’école) me disent presque tous qu’ils ne seraient pas capables de faire ça. Trop de stress et trop d’impondérables. Pour le moment, je me dis que je fais mes armes, que j'apprends le métier à la dure et qu’éventuellement j’aurai droit à un parcours régulier avec ces tout-petits que je verrai jour après jour devenir ados. Je me dis aussi que je m’ennuierais probablement d’avoir à parcourir toujours la même route, à me taper les mêmes faces et les mêmes paysages au quotidien. On verra bien rendu là.
Pour l’instant, je reste calme et tente de faire pour le mieux.
Merci, c'est trop bon! Je suis fan!
RépondreEffacerC’est un beau cadeau
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