dimanche 30 juin 2024

Le Temps des Vacances

         Les dix jours qui précèdent la fin de l’année scolaire, je remplace bien peinard un vieux de la vieille sur la brèche à cause de sérieux maux de dos. Avec plus de 40 ans de route à se faire bardasser dans des camions et des autobus de tout genre, le corps de Maurice a décidé d’arrêter de suivre.  Depuis que j’ai commencé comme chauffeur, je lai vu presque chaque jour se traîner à l’aide de sa canne jusqu’au Blue Bird pour faire son circuit. Il en avait vu une, pis une autre. Il n’était pas arrêtable lorsqu’il racontait une anecdote sur ses innombrables voyages ou sur ses excursions de chasse. Il gardait sur son téléphone, les photos de ses trophées, de ses exploits d’homme des bois. Un type que les années ont rattrapé. Triste de ne pas être capable de finir l’année. 


Avec son ancienneté, le circuit de Maurice des plus aisé. Pas trop loin des écoles, des routes pas trop maganées et des élèves assez tranquilles. Comparativement à des parcours que je me suis tapé au fil de l’année, celui de Maurice est un vrai charme. Grâce à ses années de service, Maurice a aussi la priorité quand vient le temps de choisir les voyages spéciaux et parascolaires. Si par exemple un autobus doit reconduire une équipe de hockey à tel ou tel endroit, c’est clair que c’est le vieux Maurice qui en hérite. C’est ce qui fait que pendant ces derniers mois, j’ai eu à le remplacer plusieurs fois. Le circuit de Maurice, je l’ai apprivoisé petit à petit et même si je compatissais sur son sort, j’étais bien content de m’approprier sa route.


Dix jours a ne pas me casser la tête, a avoir un horaire stable sur un circuit facile à bord d’un beau Blue Bird pas trop bringuebalant. C’était éminemment sympa de conduire les enfants du primaire surexcités qui comptaient les dodos avant les vacances. Et ceux du secondaire plutôt stressés pendant leur semaine d’examens. Une petite routine quotidienne s’est installée et comme les enfants je me suis mis à compter les jours avant les vacances.


Le tout dernier jour, après avoir fait le parcours matinal, Bernard, le boss des bus du nord, me demande de remplacer un chauffeur de Sainte-Adèle pour l’après-midi. 


T’es pas obligé de dire oui me dit-il d’un ton qui indique le contraire.


Ça ne me tente pas tant que ça mettons, mais comme je suis le dernier arrivé, mes options sont limitées et je dois admettre que je l’ai eu facile ces derniers 10 jours faque en bon soldat, j’accepte de plus ou moins bonne grâce. Bernard m’imprime la feuille des gauches/droites des rues d’un secteur de la ville de Piedmont où je n’ai jamais mis un pneu et je retourne chez-nous jeter un oeil sur ce circuit où je n’aurai que les élèves du primaire à reconduire, c’est déjà ça.  


L’après-midi, je me retrouve donc dans la cour de cette école, ignorant où je dois stationner l’autobus. Je demande au premier chauffeur que je croise. Il hausse les épaules. J’en vois un autre plus loin qui m'indique d’un signe l’endroit où je dois reculer entre une benne à déchets et un poteau électrique. Six mois plus tôt, si j’avais eu à reculer un bus de cette grosseur dans un espace aussi exigu, j’ignore ce que j’aurais fait. Là, j’y arrive du premier coup et suis plutôt fier. Les enfants commencent à sortir de l’école, y’a des ballons, des banderoles et de la musique qui joue. Je regarde encore une fois ma feuille de gauche/droite en même temps que l’itinéraire que j’ai sauvegardé sur mon téléphone quand tout à coup j’entend sortir des haut-parleurs une toune qui m’arrache un sourire : C’est le temps des vacances de Pierre Lalonde, mon homonyme. Ce n’est pas mêlant presqu’à chaque fois que je me présente à quelqu’un la première fois, on me la chante.  Souvent ça me fatigue, mais là je ne peux faire autrement que retrouver ma bonne humeur.


Ben oui, voilà venu le temps des vacances. Je regarde les enfants se diriger vers les autobus. C’est la fin de l’école pour l’été et beaucoup se disent au revoir jusqu’à l’automne. Pour d’autres, c’est la fin d’une étape, direction le secondaire. J’en vois plusieurs en pleurs qui se font des câlins. Un fillette d’une dizaine d'années monte dans l’autobus avec de chaudes larmes qui lui coulent sur les joues. C’est triste et touchant. Elle sera la dernière du parcours, ma dernière passagère de la saison scolaire. 


Lorsqu’elle s’avance dans l’allée pour sortir de l’autobus, je lui dis : On est heureux que l’école se termine et triste de ne plus revoir ses amis. C’est bizarre comme sentiment tu ne trouves pas?  La fillette qui est montée à bord en pleurant en ressort avec un petit sourire aux lèvres. Heureux d’avoir pu lui changer son humeur, heureux d’avoir terminé la saison, je reprends la route vers le garage, le cœur léger avec une petite chanson me trottant dans la tête.  


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